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Histoire de beurre
Par Jacques Therriault




C'est sur ce terrain, à peu près entre les deux poteaux et du côté nord de la route qu'était située la première beurrerie.
Le terrain où était située la première beurrerie a été acquis par M. Omer Rioux dont on voit la maison rouge, de même que la ferme La Coulée qui s’étend jusqu’à la montagne et qui est aujourd’hui la propriété de son fils Gaétan qui a aussi construit sa résidence (maison beige) sur le terrain de la deuxième beurrerie.

À Saint-Fabien, au moins pour ce qui est du village, l’histoire du beurre commence avec ce personnage. Le premier beurrier de Saint-Fabien se nommait Elzéar Gagnon dit Belzile. Sur la photo du haut, il est accompagné de Charles Bellavance qui travaillait comme aide à la beurrerie. Ils sont photographiés devant la première beurrerie du village qui était située juste en face de la septième avenue actuelle. Aujourd’hui, le terrain est vague. (Voir la photo plus haut)

Sur la photo, à gauche on le voit, retraité, accompagné de sa seconde épouse, Eugénie Bérubé. Le cliché a probablement été pris devant la résidence qu’il avait fait construire à proximité de son lieu de travail un peu à l’ouest de la première beurrerie sur la première rue et juste en face de la seconde. Mme Éva Beaulieu ainsi que Jean-Paul Lemieux et Madeleine D’Astous ont habité cette maison et en 2020 elle appartient à Josiane Labrecque et Pascal Chassé.




La maison de M. Elzéar Gagnon dit Belzile, premier beurrier de Saint-Fabien.

Je n’ai malheureusement pas de détails sur les carrières des beurriers qui ont succédé à M. Belzile dont : M. Ildéphonse Coulombe, M. Clovis Roy, M. Jean-Noël Thibault, M. Viateur Morissette et M. Elzéar Bernier qui ont aussi exercé ce métier à St-Fabien. Mon père, Henri Therriault, y a travaillé comme aide beurrier durant quelques années. Le seul beurrier dont on connaît le cheminement est M. Rosario Côté qui a été le sujet d’un reportage de Marie-Hélène Lagueux-Tremblay publié dans le livre « Vers une histoire, Saint-Eugène-de-Ladrière » dont voici l’intégrale.

Napoléon D’Astous, alias « Pére Paul », a été le premier à faire du fromage vers 1912, selon ce qu’on m’a dit. Il y a eu ensuite Oscar Gagnon, fils de François Gagnon, qui en a fabriqué pendant cinq ans. J’ai travaillé avec lui comme aide pendant trois mois, avant qu’il ne tombe malade en 1941. J’avais 15 ou 16 ans quand c’est arrivé. J’ai dû le remplacer au pied levé. Je n’ai pas eu le choix, parce qu’un fromager ne se remplace pas tout d’un coup comme ça. À ce moment-là, j’avais seulement travaillé comme aide à la pesée du lait. J’ai demandé à mon ami André Berger d’aller chercher la recette à Oscar, alité dans une maison, à deux pas de la fromagerie. J’avais déjà mesuré la quantité de lait, mais je ne savais même pas quelle quantité de présure mettre pour faire cailler le lait. Impossible de faire du fromage sans faire cailler le lait. En fait, il faut quatre éléments pour faire du fromage : du lait, des ferments lactiques pour acidifier ce lait, de la présure pour le faire cailler, du sel pour le conserver. Un cinquième ingrédient magique : l’amour du travail bien fait.

La présure est faite à partir des enzymes du foie de veau. On nous apprend ça à l’école de Saint-Hyacinthe. Pour faire du pain, ça prend du levain; pour le fromage, ça prend de la présure. On fait venir le produit en petites bouteilles de l’école de laiterie de Saint-Hyacinthe. Une petite bouteille permet de faire trois demiards de présure. On verse le produit dans cinq ou six gallons de lait et on fait bouillir. Ce rituel se répète chaque matin pour faire monter l’acidité du lait et c’est ce qui donne le fromage. Si je n’avais pas réussi, ce sont 2 000 litres de lait qui allaient dans le fossé. Il y avait deux bassins : un d’une capacité de 8 000 litres de lait et l’autre de 10 000.

Je ne suis pas devenu fromager tout de suite, parce que je travaillais seulement pendant l’été à Saint-Eugène, avec Oscar Gagnon. Il y en a d’autres qui l’ont remplacé : d’abord deux gars de Saint-Valérien et du Bic, Emmanuel Voyer et son frère; ensuite Robert Lagacé pendant un an, en 1945. Quand je me suis marié en 1946, j’ai commencé à travailler comme aide avec Elzéar Bernier.


M. Rosario Côté à ses débuts à la fromagerie de St-Eugène (Il avait alors 17 ou 18 ans).
Source: Johanne Côté

En 1947, je suis allé à l’école de laiterie de Saint-Hyacinthe. C’est à cette occasion que je me suis fait « grafigner un petit papier », parce que je n’avais aucun diplôme scolaire. Ça ne pourrait pas se faire aujourd’hui. C’est en 1948 que j’ai pris la fromagerie sous ma responsabilité, car Elzéar Bernier est parti à la beurrerie de Saint-Fabien. En 1956, la fromagerie a été fermée. Elle a rouvert l’année suivante, pour être vendue en 1957 et fermée définitivement à la fin de l’année.

C’était l’époque où le beurre se vendait à 64 cents la livre. Mais revenons au fromage. Il était vendu à la Coopérative fédérée de Québec. On fabriquait des meules de cheddar d’environ 85 à 88 livres chacune et il était vendu 16 cents la livre. Je vendais du fromage en grains avec les meules restantes, à 25 cents la livre, alors qu’aujourd’hui, une livre de Cheddar se vend environ 5 $. Les profits sur ce fromage en grains s’en allaient au syndicat de la coopérative. Quant à moi, j’étais salarié à la semaine et je recevais 17 $ par semaine vers 1940.

En 1958, je suis remonté à l’école de laiterie pour devenir beurrier. Cécile, mon épouse, et moi, nous avions construit une belle maison à Saint-Eugène en 1953. Il a fallu déménager à Saint-Fabien en 1960, mais l’histoire ne s’arrête pas là. Toujours en 1958, je me suis fait refuser à l’école de laiterie parce que je devais montrer un certificat de 7e année; un papier que je n’avais pas. Je suis remonté en 1959 pour me présenter à un examen d’entrée pendant lequel je me suis fait aider par le professeur, parce que je faisais beaucoup de fautes d’écriture. Finalement, l’inspecteur m’a recommandé parce que mon dossier de fromager était très bon. J’avais envoyé du fromage à l’exposition de Belleville en Ontario et j’avais été bien classé. C’est comme ça que j’ai pu suivre le cours de quatre semaines, que j’ai d’ailleurs réussi avec distinction, sans vouloir me vanter.

Elzéar Bernier, qui avait déménagé à la fromagerie du 2e rang, s’était rendu ensuite travailler à la beurrerie avec Jean-Noël Thibault. Elzéar m’a demandé de remplacer Jean-Noël, qui avait décidé de faire autre chose. Je suis venu et je devais voyager entre Saint-Eugène et Saint-Fabien. Pendant l’hiver, je logeais chez Raymond Berger, un natif de Saint-Eugène, parce que la route n’était pas encore ouverte. Elle le fut seulement en 1962. Je me suis finalement acheté une maison « en bas » (expression courante des gens de Saint-Eugène quand ils allaient à Saint-Fabien). Travailler à la beurrerie était plus avantageux parce que c’était un travail à longueur d'année.



Étiquette d’une livre de beurre provenant de la beurrerie du Syndicat de beurrerie de Saint-Fabien.



Très belle résidence située à l'endroit où se trouvait l'ancienne beurrerie de Saint-Fabien et appartenant à M. Gaétan Rioux.

Informations tirées d'un document gouvernemental sur la situation
des ressources naturelles et industrielles du comté municipal de Rimouski en 1938
On parle ici des fromageries de Saint-Eugène et de Saint-Fabien
ainsi que de la beurrerie de Saint-Fabien.

Les informations proviennent de:
- Livre "Vers une histoire Saint-Eugène-de-Ladrière"
- Album Souvenir des Fêtes de 150ième anniversaire d'érection canonique de Saint-Fabien.
- Histoire de Saint-Fabien 1878-1978 par Marielle Coulombe.
- Répertoire des naissances et baptêmes St-Fabien par Maurice St-Pierre et Daniel Côté.
- Inventaire des ressources naturelles et industrielles de 1938 "Comté municipal de Rimouski" - Bibliothèque et archives nationales du Québec. - La mémoire populaire.

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