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Château des Abîmes - Château des Oliviers - Manoir des Îlets - Hôtel Bernier


Nous sommes en 2021 et Château des Abîmes ou Château des Oliviers, personne n’a souvenance du premier vocable et bien peu de gens se rappellent du second. Cependant, quand en 1925, Joseph-Désiré Michaud a publié son livre « Le Bic, les étapes d’une paroisse », il a parlé de lieux enchantés comme le Bicquette et le Cap-à-l’Orignal et il a bien pris soin de réserver quelques paragraphes pour parler de l’intriguant « Château des Abîmes ». Ce bâtiment, une résidence délaissée, négligée et abandonnée, était situé non loin de l’endroit où se trouve aujourd’hui la pharmacie.
L’histoire n’a pas vraiment de commencement. Elle se déroule, pour une bonne partie, dans l’imaginaire des gens. Le nom des personnages est fictif, le lieu cependant est bien réel.

Vers 1885, fin octobre ou début novembre, un soir de Toussaint, peut-être d’Halloween :

_ « À soir Rita, on va faire un tour chez Ernest et Laura ».
_ « Tu sais bien que je n’aime pas aller là, Désiré;
ton oncle, avec ses démones d’histoires! … »
_ « Juste une ou deux parties de 500, on veillera pas tard. »
_ « Bon, puisque tu y tiens, allons-y ».

À la lueur de la lampe, nous avons joué aux cartes et écouté les histoires de mon oncle une bonne partie de la soirée. Sa voix sévère et sa parlote inlassable accordent de la crédibilité à ses récits; ses expressions et son vocabulaire, sortis d’on ne sait où, sont si intenses qu’ils donnent la vie à ses loups-garous et ses vampires; et, l’énergie qu’il met dans ses gestes et ses mimiques convertissent les morts en revenants. Il raconte ce genre d’histoires qui glacent le sang, activent l’imagination et qui ont tôt fait de changer la noirceur en ténèbres. L’oncle Ernest, c’est un conteur, un vrai conteur.

_ « Ça pas l’air ben chaud dehors. Prenez donc un thé bouillant avant de partir ».

Sa manière à lui de nous dire qu’il est assez tard pour s’en aller. En sortant, il nous lance :

_ « Vous savez, l’histoire du Château des Abîmes, y a rien de vré dans ça ».

Puis, il referme la porte en riant.


La graine n’a pas mis très long à germer et la crainte s’est vite emparée de nous. Le vent s’est levé durant la soirée, il souffle maintenant avec vigueur. Il vient du nord-ouest, enrichi des humeurs du Cap Enragé. Les éclairs déchirent et illuminent le ciel. Le tonnerre gronde avec fracas, et roule dans le Mont-St-Louis. Comme si le diable l’habitait, la lune a les cornes en l’air et joue à cache-cache à travers les nimbus. Ses rayons éclairent à peine notre route et il fait noir comme dans une tombe quand elle se glisse derrière un nuage. Il n’en faut pas plus pour engendrer un scénario de château hanté dont on imagine les murs, les tours et les donjons en s’approchant du fameux château.

En arrivant à proximité du mystérieux bâtiment, une chauve-souris, dans son vol erratique, nous frôle maladroitement les cheveux. Les ululements de la chouette et du hibou, dont on devine les silhouettes en haut du grand arbre dénudé, font dresser les poils sur les bras et courir des frissons sur tout le corps. Le vent d’automne s’engouffre dans les entrailles du bâtiment par les fenêtres, les portes et les ouvertures béantes du toit. Il fait crisser les feuilles qui roulent sur le sol tout autour de nous.

_ « Cours Désiré, cours… Ce bruit de chaînes sous la galerie; ça m’énerve. Ces cris
au deuxième étage et ces hurlements dans le grenier : C’est qui Désiré? C’est qui? »
_ « Sers ben ma main Rita pi grouille-toé, y faut pas niaiser icitte! ».

Les pattes aux fesses, le diable à nos trousses, nous nous précipitons vers la maison et, à double tour, nous verrouillons la porte.

_ « Penses-tu qu’y riait pas dans sa barbe, l’Ernest, quand y a fermé sa porte derrière nous autres betôt »?
_ « C’est comme ça chaque fois, Désiré, on ne remettra jamais les pieds chez-lui. Jamais! C’est certain! ».


Nous n’avons pas beaucoup dormi. La tempête a fait rage une bonne partie de la nuit. À chaque éclair et à chaque coup de tonnerre on entendait la grosse voix d’oncle Ernest nous décrire dans tous les détails, en riant, les têtes de mort aux orbites profondes que ses personnages avaient vu se balancer, entourées de flammes, aux fenêtres du château. Et puis, sa voix s’adoucissant un peu, expliquait que des gens avaient minutieusement vidé et sculpté des citrouilles; ils y avaient introduit des chandelles, les avaient suspendues et habilement animées dans le cadre des fenêtres pour créer ce macabre décor.

On en sait très peu sur les origines de cette maison. Elle tirait son nom de son délabrement; certains la disaient même hantée. Mendiants et cheminots, de temps en temps, y passaient la nuit et, pour s’amuser, faisaient peur aux passants. Des jeunes, les plus braves, bien sûr, s’y introduisaient et jouaient aux esprits dans les corridors et les pièces vides. L’écho transportait et amplifiait leurs onomatopées. Ainsi, on pouvait entendre les Hou … Hou …! et les HA! HA! HA!, jusque dans la rue. Si une vieille dame ou des enfants, s’adonnant à passer, prenaient peur, c’était encore plus drôle, plus amusant.

Ce sont toutes ces aventures, toutes ces histoires, qui ont valu à la maison le nom de « Château des Abîmes ». Quelques années plus tard, celui-ci fut acheté par un nommé Alfred Parent. Quelques rénovations, un peu d’aménagement suffisent à redonner vie au bâtiment et libérer les lieux de ses esprits maléfiques.

Légende inspirée d'un texte de J.-Désiré Michaud
Le Bic, les étapes d'une paroisse (Deuxième partie)
Par Jacques Therriault

En 1895, Joseph Levasseur s’en porte acquéreur. Probablement inspiré par le panorama d’îles et d’Îlots, de fleuve et de marées qui s’étale devant la résidence, elle deviendra « Le Manoir-des-Îlets ». Il la garde quelques années, avant qu’elle ne change de mains à nouveau et devienne la propriété de M. Olivier Ouellet, marchand du Bic et commissaire d’école à une certaine époque. Les gens, maintenant, devant la maison, ne pressent plus le pas. Chacun ralentit sa marche et prends le temps d’admirer les variétés de fleurs et d’arbustes que Mme Ouellet, avec amour, cultive dans les grands jardins aménagés avec goût pour enjoliver « Le Château des Oliviers ».

Olivier Ouellet, dans les années 1920, fut souvent lauréat de prix distribués lors de foires agricoles. Ainsi, à l’exposition de Rimouski en 1924 M. Ouellet a figuré parmi les gagnants dans quatre catégories. Il s’est mérité la première place dans les divisions « Prunes Rouges » et « Pruneaux » et se classa deuxième dans les catégories « Pommes Wealthy » et « Collection de Pommes ». Chaque première place lui méritant un prix de $1.00 tandis 75 cents étaient octroyé pour chacune des deuxièmes places.

M. Ouellet avait deux fils et une fille. L'un des fils, Omer, travaillait dans la fonction publique de Montréal: le second, Wilfrid, avait terminé des études commerciales et après avoir travaillé pour son père avait continué dans les affaires et repris les entreprises de celui-ci. Il semble qu'au décès de M. Olivier, Omer soit devenu propriétaire de la résidence familiale et, contraint par son travail à demeurer loin de sa propriété, il ne pouvait pas en bénéficier. Il loua donc Le Château des Oliviers à un nommé Paul Bernier. Celui-ci y avait ouvert un hôtel; l’Hôtel Bernier comme de raison. Dans la nuit du 20 septembre 1940, vers les 2 heures du matin, probablement causé par une défectuosité de la bouilloire du système de chauffage, un incendie s’y est déclaré. Quelques minutes après que l’alarme fut donnée, le bâtiment n’était plus qu’un amas de cendres. Les occupants en sortirent en tenue de nuit mais heureusement personne ne fut blessé. Le début de l’histoire n’est pas documenté, cependant, bien que triste, on en connaît maintenant la fin.


VUES RAPPROCHÉES DE QUELQUES DÉTAILS ARCHITECTURAUX
Est-ce qu’on peut lui attribuer un style architectural,
je ne m’y connais pas assez pour me commettre.
Cependant, il est évident qu’elle avait du style.
Quel joyau ce serait aujourd’hui.


Photographie d'une partie du village du Bic prise en août 1940.
Probablement la dernière où l'on peut voir le "Château des Oliviers.
(Juste en haut du bâtiment blanc à gauche de la photo).
On se souviendra que la date de l'incendie de celui-ci est le 20 septembre de la même année.

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