La mer, en effet, s'en vient; elle s'avance entre les roches, sur la vase claire ou le sable fin, doucement, sournoisement; elle envahit les trous fraîchement creusés, encercle les pelletées de glaise à côté des trous, faisant autant de minuscules ilôts; déjà des paquets de mousse, des lambeaux d'écume arrivent au pied des gars les plus avancés. À présent, il faut arracher en toute dilligence, se hâter de remplir les dernières chaudières, à cause de la mer qui s'en vient, qui vous poursuit; il faut procéder à rebours, en revenant sur ses pas, et ne pas flâner. Car ici, à cause de la grève plate et immense, la marée va vite...

Aussi on se hâte, on se dépêche de plus en plus. Les derniers siaux sont bien vite pleins. Et c'est le temps! ...Là-bas, dans le brouillard, un attelage s'amène. C'est le "bob-sleigh", attelé d'un cheval noir, qui s'en vient, suivant le tracé du chemin d'hiver, encore visible à cause du crotin, qui s'en vient chercher les clams. Un petit bout d'homme se voit à l'avant. La longue voiture avance, elle approche, elle arrive. Elle s'arrête non loin, à quelque cinquant pieds, sur le bord de la glace coupée à pic. Alors les jeunesses déposent les pelles deux par deux, ils empoignent par les bouts les sacs pesants et les portent; tout d'une haleine, jusqu'au quai blanc sur lequel ils les déposent, à bout de bras, pour ensuite les déposer sur le "bobsleigh". Et voilà le chargement terminé.

À présent: "Marche, Nell!..." et, marchant derrière la charge de sacs, nos gars s'en reviennent - fourbus mais heureux quand même - vers la maison où ils vont (est-il besoin de le dire?) manger une bouchée pis une autre!
Louis Morneau.


(1) les clams (des moules, en français) sont des mollusques comestibles à coquilles bienvalves et de forme oblonque. Elles font les délices des gourmets et...des autres aussi! On les apprête de plusieurs manières; on en fait de la soupe, du hachis, des pâtés. On les mange encore frites au beurre, comme le poisson, ou bouillies...à la coquille. Souvent les arracheurs les avalent comme ça, toutes crues, en les arrachant; et ils disent en se laissant claquer la langue: "Eh que c'est bon!" ... L'arrachage et la vente des clams constituent une véritable industrie dans la région de Rimouski, particulièrement au Bic.
L.M.

Ce texte est extrait du "Progrès du Golfe" 25-05-1941

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